LE PROJET PHOTOGRAPHIQUE DE SABINA

L’expérience de Sabina avec les enfants de la
Maison de quartier Vaudagne à Meyrin – Genève


Le 15 septembre 1999 a été le premier jour que je passais à l’extérieur depuis 13 mois d’enferment et la sensation que j’ai ressentie a été inexplicable.

Quand je suis arrivée à la Maison de quartier Vaudagne, j’avais honte malgré l’euphorie et le bonheur d’être en contact avec quelqu’un de l’extérieur. Durant ma première rencontre avec les enfants, je me suis sentie un peu perdue et mes mains tremblaient jusqu’à ce que je commence à photographier ! A ce moment-là, toutes mes craintes se sont transformées en joie, en bonheur d’être au milieu d’enfants qui respiraient l’innocence et la joie de vivre.

Nous avons passé le matin au Terrain Jacob et il se sont bien amusés. Après le dîner, Christophe et moi sommes rentrés à Lonay.

Le 22 septembre 1999 a été la date de mon second jour à l’extérieur et le premier non accompagnée.

Je me suis vraiment sentie seule et perdue car la première fois, malgré mes peur, j’avais Christophe à mes côtés et cette fois j’avais peur de ne pas savoir me débrouiller. Je suis quand même arrivée à la Maison Vaudagne où le personnel et les enfants m’ont reçu avec un grand sourire de bienvenue.

Mon amitié avec les enfants a été réciproque et des enfants ont attiré mon attention pour me raconter une petite histoire, un autre pour me demander de l’aide pour un jeu, un autre pour l’aider à se laver les mains et encore un autre m’a fait une plac à ses côtés pour que je m’asseois… et encore plein de petites choses et de détails innocents qui pour moi ont été d’une grande importance…

C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai dû laisser ces adorables enfants pour rentrer à la prison.

Le 29 septembre 1999, j’ai eu mon 3ème et dernier congé. J’ai eu beaucoup de peine à savoir que ce serait le dernier jour avec les enfants. Lorsque je suis arrivée à la Maison Vaudagne, ils m’ont reçue avec beaucoup d’enthousiasme et de joie. J’ai fais de mon mieux pour oublier qu’après cette journée, je n’aurais plus l’opportunité d’être avec eux. Ce jour a été très spécial… Je suis partie avec un groupe d’enfants pour nous promener dans plusieurs parcs. J’ai ressenti un lien très fort avec eux et réciproquement. J’ai aussi senti leur jalousie parce que j’avais pris dans mes bras un autre enfant ou parce que je parlais avec un autre. A la fin de la matinée, je savais un peu plus de la vie de chacun… je savais pourquoi un garçon avait les yeux verts, pourquoi certains parlaient en espagnol, portugais, d’où venait la maman d’un autre et encore d’autres choses qui ont été de précieux souvenirs.

Au moment de retourner à la prison, après les bisous et dessins en cadeaux, j’ai eu les larmes aux yeux d’émotion et de bonheur.

Les trois jours que j’ai passé à la Maison de quartier Vaudagne ont été une expérience inexplicable parce que j’étais une détenue étrangère qui ne parlait pas très bien le français, que je ne connaissais pas Genève et que je devais être de retour à l’heure exacte à la prison.

Je remercie Christophe pour la confiance qu’il a eue en moi et d’avoir convaincu ses supérieurs, ce qui m’a permis de connaître ces enfants. Merci à toutes et à tous.


Sabina

Copyright Christophe Pittet - Last update: 01.03.2010